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1928. ©
MRBAB/KMSKB |
D'un père
anglais anticonformiste, ingénieur raté, et d'une mère ostendaise
qui n'encourage guère sa vocation artistique, le jeune Ensor
vit à Ostende au milieu des coquillages, des chinoiseries,
des verroteries, des masques et des animaux empaillés qui
peuplent la boutique familiale. Après
une première initiation à l'Académie d'Ostende, il suit de
1877 à 1880 les cours de l'Académie des Beaux-Arts de Bruxelles
("une boîte à myopes, des professeurs mal embouchés",
dira-t-il).
Dans la
capitale, il se lie d'amitié avec certains condisciples comme
F. Khnopff, W. Finch, Th. Van Rysselberghe, Th. Hanon, et
des intellectuels comme E. Demolder et le professeur E. Rousseau
qui nourrit la fibre anarchiste du jeune homme.
Rentré
à Ostende, que désormais il ne quittera que rarement, il se
réfugie sous les combles de la maison familiale et y réalise
ses premiers chefs-d'œuvre d'un réalisme affranchi (autoportraits
dont autoportrait au chapeau fleuri, marines,
vues d'Ostende, Le lampiste, La mangeuse
d'huîtres et la série dite des Intérieurs bourgeois).
Exposées
dans les salons des cercles La Chrysalide et L'Essor,
ces toiles suscitent déjà sarcasmes et incompréhension en
raison des sujets jugés trop prosaïques aussi bien que de
l'affranchissement de la technique qui augure en Belgique
d'un impressionnisme autochtone; le jeune peintre doit même
essuyer des refus inacceptables aux Salons d'Anvers et de
Bruxelles.
En 1883,
avec quelques amis artistes sur qui se marquera momentanément
son influence, il participe à la création du groupe des
XX; avec G. Vogels, il en deviendra l'un des membres les
plus contestataires
(il sera le "mal-aimé" d'Octave Maus, le secrétaire et l'âme
des XX).
Au cours
des dix années de vie de ce groupe, Ensor précise son propos
plastique, réalisant notamment la série de dessins Les
auréoles du Christ ou les sensibilités de la lumière,
lançant son cycle exceptionnel de gravures et découvrant ensuite,
à travers les thèmes du masque et du squelette, la manière
de répondre, dans le cadre du symbolisme ambiant mais de manière
toute personnelle, à ses angoisses et à sa vision du monde.
En 1888,
l'année de sa rencontre avec Augusta Boogaerts qu'il surnomme
la Sirène et à qui il écrira 250 missives platoniques,
il peint son Entrée du Christ à Bruxelles (Fondation
Getty, Malibu), la toile maîtresse d'un peintre de vingt-huit
ans, ainsi que Les masques raillant la mort, des œuvres
où la radicalité des couleurs pures et les schématisations
pré-expressionnistes imposent une vision tout à fait originale
dans le contexte de la peinture de l'époque ("Les masques
me plaisaient aussi parce qu'ils froissaient le public qui
m'avait si mal accueilli", confesse-t-il).
Soutenu toutefois par quelques intellectuels clairvoyants
tels Emile Verhaeren et Eugène Demolder, Ensor est exposé
à Bruxelles lors des salons annuels de La Libre Esthétique
qui succède aux XX.
En 1894,
il est invité à exposer à Paris, mais le peu d'intérêt que
son œuvre suscite renforce sa misanthropie et son mépris pour
le genre humain. Dès avant la fin du siècle, au moment où
son génie est reconnu par certains, l'inspiration de l'artiste
faiblit; il ralentit sa production et se contente bien des
fois de se répéter.
Dans
les années 1910, Rotterdam et Anvers organisent une rétrospective
de son œuvre; au début des années 20, les musées royaux de
Bruxelles et d'Anvers acquièrent des toiles du maître.
En 1929,
année au cours de laquelle Ensor prend la nationalité belge
et reçoit le titre de baron, le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles
organise une grande rétrospective de son œuvre.
En 1933,
il est proclamé "Prince des peintres"; il mourra couvert d'honneurs,
mais ceux-ci semblent lui avoir échu trop tard.
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